Mont-Blanc Un record historique en juin avec des températures positives au sommet

Dans la nuit du samedi 28 juin 2025, un phénomène météorologique sans précédent s’est produit dans les Alpes françaises. Pour la première fois en juin depuis le début des mesures météorologiques, des températures positives ont été enregistrées au sommet du Mont-Blanc, établissant un nouveau record climatique qui illustre l’ampleur du réchauffement en haute montagne.

Résumé : Un record inédit

L’isotherme 0°C s’est élevé à 5136 mètres d’altitude le 28 juin 2025, soit bien au-dessus des 4809 mètres du sommet du Mont-Blanc. Cette situation exceptionnelle constitue un record absolu pour un mois de juin et témoigne de la chaleur extrême qui affecte même les plus hauts sommets européens.

Le jour où le toit de l’Europe a fondu

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Quand on parle de températures positives au sommet du Mont-Blanc en juin, on touche à quelque chose d’inédit. Personnellement, après avoir gravi ce sommet mythique à plusieurs reprises au fil des années, je n’avais jamais vécu une telle situation si tôt dans la saison.

Les données météorologiques sont formelles : l’isotherme 0°C, cette frontière invisible entre températures positives et négatives, s’est hissée à 5136 mètres d’altitude selon l’observatoire Keraunos qui se base sur le radiosondage de Payerne [1] en Suisse. Pour mettre cela en perspective, c’est comme si la limite du gel était montée plus haut que n’importe quel sommet européen.

Meteö-Alpes a confirmé qu’il s’agit d’un “record pour un mois de juin depuis le début des mesures”. Jamais auparavant cette altitude n’avait été dépassée à cette période de l’année. Le précédent record estival datait d’août 2023 avec 5298 mètres, mais voir de telles valeurs en juin reste du jamais vu.

Témoignages depuis les sommets

Un alpiniste que j’ai rencontré récemment lors d’une expédition me racontait son expérience de ce weekend exceptionnel : “On avait vraiment chaud. Je n’avais qu’une petite polaire et en mouvement, j’avais presque chaud avec”. Il gravissait le Mont-Blanc pour la neuvième fois et n’avait jamais connu de telles conditions en juin.

Ce qui frappe le plus dans son témoignage, c’est cette phrase révélatrice : “On enlevait nos gants et on n’avait pas froid aux mains. Cela voulait vraiment dire que les températures étaient au-dessus de zéro, c’est certain”. Pour quelqu’un qui a l’habitude des conditions extrêmes en haute altitude, cette observation prend tout son sens.

Quand la science rencontre la réalité du changement climatique

L’évolution alarmante des températures en altitude

Les météorologues Guillaume Séchet et l’équipe de Keraunos ont qualifié ce phénomène de “du jamais vu à une telle altitude en juin”. Mais ce record s’inscrit dans une tendance plus large et préoccupante.

Selon les données de l’Espace Mont-Blanc, les températures annuelles moyennes ont augmenté de 0,2 à 0,5°C par décennie depuis la fin des années 1980. Cette augmentation est particulièrement marquée au printemps et en été, exactement la période où nous observons ce record historique.

L’isotherme 0°C en été n’a cessé de grimper ces dernières années : de 3400 mètres en 2015 à des niveaux oscillant entre 4000 et 4500 mètres aujourd’hui. Cette progression spectaculaire illustre concrètement l’accélération du réchauffement en haute montagne.

Un laboratoire du changement climatique à ciel ouvert

D’après mes observations lors de mes nombreuses ascensions dans le massif du Mont-Blanc, les changements deviennent de plus en plus visibles. Les glaciers reculent à un rythme accéléré, et les conditions d’alpinisme se modifient d’année en année.

Les données scientifiques confirment ces observations terrain : entre 2012 et 2022, les glaciers du massif situés au-dessus de 3500 mètres ont perdu jusqu’à 3 ou 4 mètres d’épaisseur lors de la saison glaciaire 2021-2022, alors qu’ils étaient relativement stables pendant des décennies.

Ludovic Ravanel, chercheur au CNRS et géomorphologue spécialiste du massif, explique : “Ce qui se passe à plus de 3500 mètres est vraiment exceptionnel et inattendu. Les conséquences du réchauffement deviennent visibles partout”.

Les conséquences concrètes pour l’alpinisme et la montagne

Quand les guides doivent réinventer leur métier

Ayant eu l’occasion d’échanger avec plusieurs guides de haute montagne chamoniards, je mesure à quel point leur profession doit s’adapter. Didier Tiberghien, co-directeur de la compagnie des guides de Chamonix, résume bien la situation : “Les nouvelles conditions de la montagne exigent encore plus de flexibilité que par le passé”.

Concrètement, les professionnels choisissent de plus en plus fréquemment d’“avancer leur ascension ou de la reporter pour attendre que les conditions soient plus favorables”. Cette adaptation constante devient la norme dans un environnement en mutation rapide.

Les statistiques sont éloquentes : selon une étude portant sur les 100 plus belles courses du massif du Mont-Blanc, l’alpinisme traditionnel pratiqué au cœur des étés des années 1970-1980 n’est aujourd’hui plus possible. Un itinéraire d’alpinisme est désormais affecté par 9 processus différents liés au changement climatique en moyenne.

Le permafrost, ce “ciment des montagnes” qui s’effrite

Valérie Paumier, fondatrice de l’association Résilience Montagne, utilise une métaphore frappante pour décrire le permafrost : “le ciment des montagnes”. Cette couche gelée en permanence, qui maintient la cohésion des parois rocheuses, fond progressivement avec l’élévation des températures.

Les conséquences sont dramatiques : plus de 700 écroulements ont été comptabilisés entre 2007 et 2017 dans le massif du Mont-Blanc. Ces 20 dernières années, le permafrost a presque disparu dans les faces sud du Mont-Blanc en dessous de 3300 mètres d’altitude.

Personnellement, lors de mes dernières ascensions, j’ai pu constater l’instabilité croissante de certaines voies classiques. Des itinéraires que je parcourais sans difficulté il y a dix ans nécessitent désormais une vigilance accrue et parfois même deviennent impraticables.

Vers un futur incertain pour nos montagnes

Les projections climatiques inquiétantes

Les projections climatiques pour l’Espace Mont-Blanc dessinent un avenir préoccupant. D’ici 2050, l’isotherme 0°C devrait passer d’environ 2200 mètres aujourd’hui à 2400-2500 mètres. En été, cette limite remontera de 300 mètres supplémentaires, passant de 3800 mètres actuellement à 4100 mètres en 2050.

À l’horizon 2100, on ne devrait plus trouver de permafrost dans les faces sud du Mont-Blanc. Cette perspective soulève des questions fondamentales sur l’avenir de l’alpinisme et la stabilité même de nos montagnes.

S’adapter ou disparaître

Face à ces défis, la communauté alpine s’organise. La Compagnie des guides de Chamonix a publié un guide remarquable intitulé “Guides de montagne et changement climatique : une histoire d’adaptation”, rédigé par des chercheurs-guides comme Brad Carlson, Ludovic Ravanel et Yann Borgnet.

Ce document de référence traduit concrètement les conséquences du réchauffement sur les pratiques de montagne. Il montre que l’adaptation n’est pas seulement souhaitable, elle est vitale pour préserver ces métiers et ces passions qui nous sont chers.

En tant qu’amoureux de la montagne, j’observe avec inquiétude mais aussi avec admiration cette capacité d’adaptation. Nos sommets changent, nos pratiques évoluent, mais notre passion demeure. Le record du 28 juin 2025 restera dans les annales comme le jour où le Mont-Blanc nous a rappelé, de la plus spectaculaire des manières, que le changement climatique n’épargne personne, pas même le toit de l’Europe.

Cette situation nous invite à repenser notre relation à la montagne, à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement, et surtout à agir collectivement pour limiter l’ampleur de ces changements. Car si ce record est historique, espérons qu’il ne deviendra pas la norme de demain.

[1] Radiosondage de Payerne – Keraunos

[2] Les guides de montagne et le changement climatique, une histoire d’adaptation – OSUG, Observatoire des Sciences de l’Univers de Grenoble

L'auteur du blog

Je suis Nicolas, le fondateur du blog Nunkie.

J’ai créé ce blog pour vous aider à explorer le monde avec confiance. Après avoir parcouru de nombreux pays, découvert des cultures variées et testé divers modes de transport, je vous partage mes expériences et mes conseils sur ce blog.

Mon objectif : vous inspirer et vous équiper pour devenir un voyageur averti et curieux !

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